L’enfance c’est de la guimauve en pyjama mais parfois, c’est aussi des oursins dans les valises. Ainsi, mes chers pigeons voyageurs, sachez qu’à moins d’aimer les challenges audacieux, l’un des drames les plus redoutés du parent globe-trotter au karma douteux, c’est l’invasion du virus de la varicelle quelques jours avant un décollage familial vers le soleil des vacances. J’aurais dû savoir que malgré tous mes efforts homologués par Louis Pasteur en personne, je n’étais pas de taille pour lutter contre le redoutable microbe infantile qui s’est glissé dans nos bagages 6 jours à peine avant notre départ pour l’île de Rhodes. Haut les cœurs ! Voici comment nos vacances en sursis ont été sauvées in extremis, malgré le virus envahisseur qui a tenté de les assombrir l’été dernier.
Quand le pire scénario se profile…
J-6 avant le départ en vacances. Tout va bien, enfin c’est ce que je crois. Lutin a rendez-vous chez la dentiste. Elle remarque de nombreuses piqûres de moustiques sur son torse (Lutin est cet être impudique qui adore retrousser son t-shirt en toutes circonstances). Je constate l’ampleur des attaques surtout sur son dos à l’heure du bain. Pauvre Lutin à chair tendre qui a fait le festin de ces vampires volants par manque de vigilance parentale !
J-5 [Panique à bord !] Les minuscules piqûres sont remplacées par d’horribles lésions vésiculaires en goutte de rosée qui ne laissent aucun doute quant à la nature du mal qui frappe notre enfant : la varicelle dans toute sa splendeur ! Dans les 48 heures, l’éruption cutanée deviendra flamboyante, s’attaquant à son joli minois et reléguant aux oubliettes toutes nos chances pour dissimuler la chose contagieuse à l’embarquement. Et pourtant, on est loin de la varicelle carabinée : mon fils léopard aura certes au moins une trentaine de boutons mais n’a pas de fièvre (il affiche une forme déconcertante contrairement à sa mère nourrie au Prozac depuis l’échec avéré de sa politique anti-microbes), ni de boutons sur les muqueuses et garde un appétit colossal (on doit partir à Rhode, Colosse de Rhode – colossal, vous le tenez là ? Ok j’ai un peu chaud ces temps-ci).
Dépitée, je téléphone à la pédiatre qui me donne la liste des traitements à administrer au nouveau pestiféré de l’aviation civile pour annihiler au plus vite les dommages cutanés, éviter les surinfections de la peau et les cicatrices, et soulager les démangeaisons qui commencent à se manifester (et quand Lutin a un problème, mieux vaut équiper nos voisins de boules Quies si on veut éviter les plaintes pour tapage diurne). Rendez-vous est pris à J-1 pour évaluer le stade de la maladie et surtout tenter d’obtenir un certificat de non contagiosité, nouveau passeport de nos vacances.
Ensuite j’appelle Chéri Chéri au boulot pour lui annoncer que nos vacances sont compromises. Discussion animée. Mur des lamentations. Vision apocalyptique de notre été. On raccroche avec l’envie d’occire celui qui a contaminé notre enfant et doit être certainement frais comme un gardon à l’heure des grands départs en vacances. Mais le compte à rebours est enclenché et sans perdre de temps, j’entame les démarches administratives et médicales nécessaires au sauvetage de notre voyage.
Mais pourquoi la varicelle est-elle l’ennemie de l’avion ?
On sait généralement que soleil et plage ne font pas bon ménage avec la varicelle. Ce qu’on sait moins, c’est qu’avant d’avoir les pieds dans l’eau, encore faut-il pouvoir partir et que, quand l’avion est l’unique moyen de transport envisageable, l’affaire est loin d’être conclue sauf à emprunter un jet privé ou une fusée (Lutin tient plus de George Pig Cosmonaute que de Thomas Pesquet).
Qu’on se le dise, l’avion est interdit aux boutonneux sauf aux acnéiques mais je n’ai pas trouvé comment faire passer mon 5 ans pour un ado Yop ! Plus généralement, il est interdit à tous les porteurs de maladies virales très contagieuses et potentiellement graves pour les populations fragiles (nouveau-nés, femmes enceintes, personnes immunodéprimées ou âgées, etc.). Car entre l’air de l’avion très sec, le système de climatisation dans ce vase clos volant et les quelques sanitaires partagés entre un grand nombre de passagers, l’avion est particulièrement propice à la multiplication des germes.
Le problème avec la varicelle est qu’il s’agit d’une maladie aussi visible qu’une moumoute sur le crâne de Louis Bodin. Difficile donc de passer l’embarquement incognito pendant le pic de la maladie, contrairement au porteur de la grippe qui aura pourtant de plus de chances de contaminer ses voisins de vol. Les déboires de familles de varicelleux exclus avec fracas de l’avion au dernier moment font d’ailleurs régulièrement les choux gras de la presse comme l’illustre cet article du monde du 15 décembre 2017.
Mon côté angélique ne souhaite pas laisser les microbes de Lutin s’emparer d’une personne fragile puisque la varicelle, le plus souvent bénigne chez le petit enfant, et qui se transmet par les voies respiratoires ou par contact cutané, peut être à l’origine de complications graves lorsqu’elle se manifeste à l’âge adulte. Et puis les enfants infectés étant contagieux 48 heures avant l’apparition des premiers boutons et jusqu’à ce que les dernières vésicules cutanées soient sèches et forment une croûte, je doute alors de sa non contagiosité au moment du départ…
Mon côté satanique me susurre que 90% des plus de 10 ans sont déjà immunisés, ce qui ne nous laisse que très peu de chance de côtoyer un vacancier non protégé. Et puis c’est un virus sournois qui peut aussi bien s’attraper dans les transports en commun qu’au supermarché, surtout qu’il ne se manifeste qu’après le début de la contagiosité. Et d’ailleurs la grippe H1N1 voyage aussi en avion en toute impunité alors flûte de zut, je veux partir en vacances !
Ma pleine conscience tranche tout net : on va tout faire pour décoller mais en prenant toutes les mesures d’éviction si toutes les lésions cutanées de Lutin n’étaient pas parvenues au stade de croûtes au moment du départ. Le varicelle-zona pénètre dans l’organisme par voie aérienne ? Ok mais Lutin ne tousse pas. En cas d’envie d’éternuer, on lui collera un mouchoir jetable sur la bouche. Le microbe attaque ses victimes par simple contact cutané ou par tout objet infecté ? Alors va éviter toute interaction entre Lutin et les autres enfants et il n’approchera pas grand monde (par chance, mon fils est aussi sauvage qu’un mammouth invité au bal des Cromagnon). Je promets au Saint Patron des causes désespérées qu’il ne prêtera pas ses jouets (tellement fingers in the nose à son âge) et qu’on se déplacera avec une solution hydro-alcoolique greffée à la main comme à notre habitude.
Plan de sauvetage des vacances enclenché
J-4 [ou le jour des démarches administratives]. Chaque compagnie aérienne possédant en théorie sa propre politique, je commence par consulter celles de notre transporteur sur son site web. J’évite le téléphone pour préserver notre anonymat et éviter de voir notre dossier de vol fiché et signalé lors de l’embarquement. Sachez qu’en règle générale, les compagnies d’aviation acceptent le passager « défaillant » 7 jours après l’apparition des DERNIERS boutons. Mais triple zut, qui est l’hypocondriaque qui a émis cette règle ? Les vésicules sèchent pourtant en peu de temps (de quelques heures à 2 jours) pour se transformer en croûtes qui ne sont plus contagieuses et tomberont quelques jours plus tard. On est mal les amis, on est mal et je suis même tentée par une petite resucée (je déteste ce mot) de Prozac. Après tout, « les derniers (boutons ?) seront les premiers » comme le chante Céline Dion à Las Vegas et Bernadette Dion à la messe. Alors on dira que j’ai un lu entre les lignes. Antidépresseur, chaleur ambiante, manque d’attention, toussa, toussa.
N’ayant pas souscrit l’assurance annulation de la compagnie aérienne au moment de la réservation, je me tourne vers celle de la CB Visa Premier qui a servi à régler le vol et les hôtels. Je veux tout connaître des formalités de remboursement, des pièces à fournir, des délais à respecter. On est dans les temps et les conditions sont réunies pour annuler sans frais notre voyage au cas où nous serions devenus personæ non gratæ à l’embarquement.
J’apprends en revanche que les compagnies aériennes annulent automatiquement le vol retour si le vol aller est annulé. Génial ! Les vols étant complets depuis belle lurette, on ne peut même pas envisager de différer l’aller sur une autre compagnie et conserver quand même le retour bien moins onéreux que les dernières places en vente trouvées à prix d’or.
J’examine quand même la possibilité de différer de 2 jours notre départ : oui c’est possible en nous rabattant sur la compagnie régulière grecque Aegean Airlines. Surcoût du voyage pour Lutin et moi : 990 euros environ (Chéri Chéri partirait seul à l’heure convenu pour ne pas perdre la réservation de notre hôtel qui n’est pas modifiable). Petit nota bene : risque, malgré ce tarif, de devoir faire escale en Italie à l’aller, faisant passer le voyage d’un peu plus de trois heures en vol direct à plus de sept heures. Youpi, j’aime les challenges !
J-4 à J-1 : vous comprendrez ma motivation à accélérer le temps de séchage des boutons de Lutin. Le voilà tartiné avec précision à coups de lotion asséchante Adema Cytelium : le problème avec ce produit, c’est qu’il colorie chaque bouton de grosses tâches blanches. Pour la discrétion, c’est raté mais à moins que la boulangère du coin ne soit aussi hôtesse de l’air sur notre vol, ce détail ne m’émeut guère plus que mon fils.
J-1 [ Le rendez-vous chez la pédiatre qui peut tout changer ! ]
« – Quand avez-vous vu apparaitre les premiers boutons ?
– Hum, à J-7 je crois…
– [sourires] On est un peut juste quand même. Mais bon je vois beaucoup de croûtes. Espérons qu’il n’y ait pas d’autres poussées.
– Gloups. Non, non on n’a plus rien observé depuis hier…
– On ne va quand même pas vous gâcher vos vacances. Vous avez l’air d’en avoir besoin après votre pneumonie ! »
Triple danse de la joie, envie d’embrasser Hippocrate sur la bouche, la pédiatre nous délivre ce fameux certificat de non contagiosité ! Nous sommes donc en théorie sauvés : avec ce certificat, l’accès à l’avion ne devrait pas nous être refusé, même si des lésions persistaient.
Le jour du départ : opération camouflage
Si on peut éviter de se faire remarquer et d’avoir à sortir notre passeport médical et parlementer, évitons ! Nous essayons donc de nous faire tout petit lors de l’embarquement. On part à Rhodes fin juillet mais Lutin porte pantalon, chemise à col mao et à manches longues et petit foulard d’été. Quoi, il ne fait pas froid dans l’avion ? Un grand chapeau en paille et des lunettes de soleil complètent sa panoplie dans la salle d’embarquement. Vous n’avez jamais vu un enfant de la lune qui se meurt au soleil ?
Côté esthétique, je remplace Adema Cytelium (dont nous n’avons manifestement plus besoin puisque Lutin n’a plus de vésicules) par ma BB Crème Estée Lauder et mon anticernes Dior. Séance maquillage plus curieuse que réussie mais cet enfant me mettra sur la paille un de ces jours.
Côté activité, Lutin, placé à côté du hublot est sommé de regarder vers le tarmac ou de baisser la tête sur son cahier de gommettes jusqu’au décollage ! Il est également prié de ne pas crier sur tous les toits qu’il a la varicelle. Il a plutôt bien joué le jeu même si c’était quand même un peu dur de respecter toutes ces contraintes…
Pari réussi ! On a passé l’embarquement incognito. L’aéroport était en effervescences en ce jour de grands départs en vacances, l’avion archi-complet, les passagers encombrants avec leurs bagages à main de 25 kg. Cela nous a peut-être aidé, au même titre que ma promesse honorée au Saint Patron des causes désespérées qui, ma foi, a bien fait son job. Bref la vie est formidable !
Epilogue : comment éviter les cicatrices de la varicelle malgré un combo mer-soleil
Le jour du départ, nous étions sur la fin de l’épisode tant redouté de la varicelle. Les dernières éruptions cutanées dataient de 3 jours. Mais si vous pensez que les vacances de Lutin ont été gâchées par le passage du virus, détrompez-vous !
Le soleil, la piscine, la mer et le sable n’ont pas posé de problème. Evidemment la varicelle peut laisser des traces, surtout exposée au soleil mais, virus ou pas, je n’expose jamais mon petit blondinet à la peau pâle au soleil : depuis qu’il est tout petit, il porte systématiquement des maillots de bain anti-UV (en deux pièces ou en combinaison) et le plus souvent un bob pendant la baignade. Le reste du temps, il joue toujours à l’ombre d’un parasol. Sa crème solaire, une 50+ spéciale enfants, est parfaite pour les parties dénudées. Comme il fait parfois des allergies au soleil lorsque nous partons sous les tropiques l’hiver, j’ai l’habitude de lui mettre sur le visage de la crème solaire minérale, qui est particulièrement recommandée pour les varicelleux. Et comme on n’est jamais trop prudent, je lui ai rajouté sur les boutons découverts (et pendant toutes les vacances) une petite touche de crème solaire Cicabio SPF 50+ de chez Bioderma sur les conseils de ma pharmacienne.
Mon enfant a pu se baigner sans problème dans la mer ou la piscine (mais nous n’étions plus en début de varicelle) car les vésicules avaient quasiment toutes séché. On a simplement veillé à bien le rincer sous la douche après chaque bain (ou jeu dans le sable) pour éviter les infections. On a également été vigilants au grattage des boutons car la chaleur et la transpiration augmentent les démangeaisons. Mais c’est une consigne médicale à suivre même à la maison et les enfants ne transpirant que par les tempes, la zone de désagrément est assez limitée. D’ailleurs, un bon antistaminique a suffi à soulager Lutin (ainsi que des douches froides au moment des crises de démangeaison qu’il a pu avoir avant notre départ en vacances).
Les croûtes de Lutin sont toutes tombées assez rapidement pendant notre séjour à Rhode, ce qui montre bien qu’avec de bons soins (gel moussant Dermalibour lors des douches du soir, séchage par tamponnage avec une serviette à usage unique puis spray antiseptique), les boutons de Lutin ne se sont pas infectés et que ni l’eau, ni la crème solaire n’ont augmenté leur temps de cicatrisation.
Nous avons également appliqué la crème réparatrice Cicalfate (de chez Avène) en couches épaisses sur les boutons de Lutin (dit le crémé) à partir du moment où ils commençaient à sécher et avons continué les soins après que les croûtes soient tombées pendant au moins 3 semaines après le bain du soir. Ainsi, malgré un long séjour « mer et soleil », mon fils ne garde aucune trace de cicatrices due à la varicelle !
En conclusion, sachez donc, cher lecteur voyageur qui avez peut-être atterri sur mon blog par peur de ne pas pouvoir embarquer pour cause d’invité malveillant dans vos valises, que tout espoir est permis et que, le plus souvent, cette varicelle ne vous causera pas autant de tracas que vous l’imaginiez, même en vacances !
NB : parce que mon petit globe-trotter parcoure le monde depuis le berceau, j’ai regroupé d’autres astuces de voyage avec jeunes enfants dans la rubrique « Mes astuces pour réussir son voyage avec bébé ».
Dinette et paillettes a écrit
Quelle épopée !! Tu m’as littéralement tenue en haleine ! Varicelle 0 – Lutin 1 … Yesss
Lucie-Rose a écrit
La conclusion est bien résumée ! Et nous aussi on est, malgré nous, restés en haleine jusqu’au moment du décollage 🙂 Un an après, on peut en parler avec le sourire !
Gelin a écrit
Je me marre, je me bidonne …. surtout que je me souviens de ton appel désespéré il y a un an pour savoir à quoi ressemblait une varicelle
Lucie-Rose a écrit
L’horreur… Il m’a fallu un an pour digérer le choc et écrire dessus 🙂
mitchka a écrit
ça m’a rappelé tant de souvenirs. Le certificat du médecin rédigé la veille au soir, j’en pouvais plus de stress … par contre ma fille a eu une varicelle XXL… et en y repensant je me dis qu’on a presque été inconscients de lui faire faire un si long voyage à ce moment là… elle est arrivée à seattle dans les choux complet et elle a mis bien quinze jours à s’en remettre et à retrouver une apparence humaine !!
Lucie-Rose a écrit
Aie aie aie ! Oui c’est certain qu’on ne voyage pas aussi bien avec une varicelle carabinée ! On a eu plus de chance pour le coup…
Paul a écrit
Heureusement que tu as eu un certificat du médecin. J’ai 22 ans et l’année dernière j’ai choppé la varicelle dans l’avion, je te raconte pas comment c’est violent quand tu l’as à l’age adulte. Je peux comprendre que ce soit embêtant de louper ses vacances, mais s’il vous plaît les parents qui n’ont pas l’aval du médecin, ne mettez pas la santé d’autres personnes en danger. En tout cas j’ai adoré cet article, t’as façon de dire les choses m’a bien fait rire, continue comme ça! 🙂
Lucie-Rose a écrit
Effectivement, je connais les dégâts d’une varicelle à l’âge adulte et sur les femmes enceintes. J’imagine combien tu as dû en vouloir aux parents du malade mystère. Effectivement j’avais l’aval du médecin et mon lutin n’était plus contagieux au moment du départ et pourtant, les compagnies font tellement de zèle sur ce sujet que j’avais quand même peur de ne pouvoir embarquer. Mais tu as raison de rappeler les règles de prudence qui s’imposent !