Quand j’ai rencontré Chéri Chéri, j’étais une fringante Parisienne, célibataire depuis quelques mois qui, tout à la joie de sa nouvelle vie, avait plus que jamais la bougeotte. Parmi les voyages que j’ai entrepris cette année là, je suis partie à l’aventure « presque » toute seule à l’autre bout du monde, dans ce joyau de l’Indonésie qu’on appelle Bali. Certes ce périple n’est pas récent mais la magie de la photo a fait resurgir des tréfonds de ma mémoire tous les souvenirs d’un voyage pas comme les autres, avec les réminiscences de ces petits moments loin des clichés touristiques que j’avais crû évaporés avec le temps. Voici donc, jour après jour, les dessous d’une randonnée mémorable en terre indonésienne.
Avant le départ
C’est à l’UCPA que j’ai confié le soin d’organiser cette randonnée de deux semaines intitulée « les rizières de Bali », à la découverte d’un Bali typique et authentique, hors des sentiers touristiques. Habituée des vacances en hôtels aux prestations tirées à quatre épingles, je n’étais pas vraiment équipée pour ce trek. J’ai donc dévalisé le Vieux Campeur pour m’équiper en mode routard et trouver une paire de chaussure de randonnée ultra pro (à défaut de compétence, j’avais le look), un sac-valise assez costaud pour résister aux opérations militaires qu’il ne connaîtra jamais, le sac-à-viande (rien que le nom me fait frémir) soyeux et chaud et la lampe frontale pour expéditions nocturnes.
L’air de rien, la sportive de pacotille que je suis s’inquiétait à l’idée de partir en randonnée avec 11 parfaits inconnus. Et si j’échouais sur le bord d’une rizière suffocant quelques mots testamentaires à mon guide dans un dernier spasme d’effort ? Et si un rat enragé agressait mes orteils lors d’une visite nocturne dans un de ces hôtels au confort sommaire et que j’imaginais miteux sélectionnés par l’UCPA ? Et si je devais partager mes vacances en compagnie d’une bande de Jean-Claude Dusse pressés de conclure, encouragés par la réputation sulfureuse du voyagiste ? Mais pire que tout, début septembre à quelques jours du départ, la rencontre avec celui qui deviendra mon mari m’a carrément coupé toute envie d’évasion. L’assurance annulation ne couvrant pas les papillons dans le ventre, j’ai quand même, visa en poche, bouclé ma valise pour un voyage qui se révélera véritablement inoubliable.
Jours 1 et 2 – De Roissy à Jimbaran
Le rendez-vous est donné au comptoir UCPA de Roissy, là où tous les participants au trek se rencontrent et se jaugent avec courtoisie avant d’embarquer. Nous sommes douze dont trois filles et un couple qui se délitera au fil des jours tandis que des tentatives de rapprochement seront observées au sein du groupe (Les Feux de l’Amour c’est ici). Bref, on se sourit poliment s’apprêtant, voyage à l’autre bout de la terre oblige, à rester coincé un bon moment dans un cigare volant, les jambes ankylosées et le torticolis en fête. Heureusement, la Malaysia Airlines étant une Compagnie aérienne plutôt « tourists friendly », elle offre des prestations correctes même quand on voyage dans la bétaillère en classe éco. C’est donc après 18 heures de vol et trois heures d’escale à Kuala Lumpur que nous atterrissons à Denpasar. Les visages des participants sont déjà marqués alors même que le trek n’a pas commencé. Ça promet pour la suite…
Accueillis par notre guide balinais à l’aéroport de Denpasar dans l’après-midi, nous voilà embarqués en mini-bus pour notre premier hôtel étape dans le joli petit village de pêcheurs nommé Jimbaran. Et là surprise ! Nous voici, ma foi, invités à nous délasser dans un hôtel plutôt sympathique avec sa piscine, ses transats et son accès à la plage. Je commence à me dire que si tous les hébergements ressemblent à celui-ci, j’arriverai facilement à survivre au confort dit « sommaire » qui plane au dessus de ma tête comme une épée de Damoclès. Le niveau sportif de ce début de séjour est d’ailleurs tout aussi supportable. Jugez-en par vous-même…
Après avoir barboté dans la piscine, je décide d’accompagner mes nouvelles connaissances de vacances pour une petite virée dans les environs de l’hôtel. L’ambiance au sein du groupe n’est pas encore à la franche rigolade, normal on ne se connait pas, mais le dépaysement est déjà là.
Evidemment, l’excursion se termine à la grande plage de sable blond qui offre le spectacle d’un coucher de soleil rouge orangé sur la baie, à l’heure où les derniers pêcheurs accostent pour fournir en poissons frais les dizaines de restaurants collés les uns aux autres. Les tables se dressent et bientôt touristes et locaux dineront les pieds dans l’eau à la lueur des bougies de succulentes grillades du retour de pêche tandis que nous avalerons quelques plats internationaux sans grand intérêt à l’hôtel.
Jour 3 – Les rizières en terrasse de Jatiluwih
Après un bon sommeil réparateur, nous quittons Jimbaran pour deux heures de route vers le cœur de l’île de Bali en direction des paradisiaques rizières en terrasse de Jatiluwih, marques de fabrique légendaires du paysage balinais. Ces rizières, les plus belles de l’île, sont d’ailleurs désormais protégées des promoteurs immobiliers par leur classement au patrimoine mondial de l’Unesco non seulement pour leur beauté, mais aussi pour tous les rites religieux et les pratiques culturelles de ceux qui les exploitent.
Le petit chemin que nous empruntons à pieds pour parvenir à l’orée des rizières donne le ton : nous sommes bien sur une île où la volaille est reine de la gastronomie.
Arrivée devant cet amphithéâtre naturel qui offre un panorama plongeant de rizières en cascades à perte de vue, j’ai immédiatement un énorme coup de cœur ! Et pour ne rien gâcher, pas un touriste à l’horizon en cette belle matinée de septembre.
J’ai les pieds qui me démangent à l’idée de m’élancer au cœur de ces rizières verdoyantes mais le terrain est aussi humide que l’air ambiant, parfois cabossé, souvent glissant et instable. Je ne tarde pas à m’apercevoir qu’équilibre et précision du geste doivent primer sur vitesse de marche. D’ailleurs la malheureuse Carole qui me précède dans la file indienne que nous formons se vautre lamentablement dans les eaux boueuses d’une terrasse sous les yeux gentiment railleur des autres, soulagés d’avoir évité la maladresse. De mon côté, je me débrouille plutôt bien donc on peut continuer ! Surtout rester concentrée pour ne pas tomber. Je n’ai pas envie d’un bain de boue et puis mes vêtements ne sécheront jamais avec cette humidité suffocante.
On sort du chemin principal et on navigue sur les parcelles pour observer la vie agricole. On tourne, passe et repasse au cœur de paysages incroyables à la rencontre de ces fermiers qui accomplissent un travail de titan quand on sait que chaque pied est repiqué manuellement. La tâche est immense…
Parfois on croise un bœuf somnolant à la lisière de la rizière.
Parfois on franchit un ruisseau.
Le soleil est au zénith. On s’attarderait bien dans un de ces petits abris utilisés par les fermiers pour se reposer ou abriter buffles et vaches.
Plantés au cœur des rizières, on observe la régulation de l’eau si précieuse pour le riz au travers du système d’irrigation géré grâce au dénivelé. On apprend que le riz traditionnel de Jatiluwih met sept mois et demi pour arriver à maturité, 2 fois plus que le riz standard. Il est utilisé en pâtisseries et pour les offrandes aux dieux.
De petits autels dédiés à Dewi Sri, déesse du riz et épouse dévouée de Vishnu, parsèment les parcelles de rizières, rappelant que la religion hindoue s’immisce partout dans la campagne balinaise.
Contrairement à beaucoup d’autres rizières, celles de Jatiluwih sont restées authentiques, loin des échoppes et autres boutiques à touristes dénaturant les lieux. Ici, on trouve du riz, quelques animaux de ferme et puis c’est tout !
Le temple de Ulun Danu sur le lac Bratan et ses environs
Après le déjeuner, nous reprenons la route pour le lac volcanique Bratan dont les eaux se mêlent souvent aux nuages restés accrochés à flanc de montagne. On a rendez-vous avec le très photogénique temple des eaux dédié à la déesse Dewi Danu que l’on vient prier de tous les villages de la région pour que l’irrigation se passe bien par la grâce des dieux. Les iguanes sont de la partie.
Ce double temple hindouiste peut se glorifier de figurer parmi les deux sites religieux balinais les plus photographiés de l’île. Ulun Danu (c’est son nom), posé à cheval sur deux îlots semble flotter majestueusement sur la surface des eaux du lac Bratan, parsemées de nénuphars. Il forme, il faut bien l’avouer, le cliché balinais idéal avec ses toits à meru se reflétant dans l’eau et se découpant en silhouette sur un fond de montagnes embrumées.
Mais tout sacré qu’il est, ce temple attire quand même les marchands de clichés à touristes. Qui veut d’une petite pause amicale avec mademoiselle chauve-souris ? Pas moi, ça pue…
Après cette pause spirituelle, le groupe se scinde en deux : les naturalistes partent au jardin botanique admirer quelques espèces rares avec le guide tandis que les filles à paillettes comme moi préfèrent une séance shopping au marché de Bedugul. Voilà donc un marché qui regorge de fruits et légumes cultivés ici, à plus de 1000 m d’altitude, car ils ne peuvent supporter la chaleur des basses terres. Au mangoustan, roi local des fruits de la montagne, se mêlent épices, souvenirs divers et variés, montres de pacotille et vêtements fabriqués en Inde ! Tout ici est négociable. Il faut marchander, le chaland n’a pas le choix. Car échapper au sport national, c’est risquer de froisser le boutiquier.
Cette première journée qui avait bien commencé se termine dans une pension glauque, crade, et miteuse digne des misérables. On y est, je le savais, ça devait me tomber dessus un jour ou l’autre… Si les commodités sont plus que sommaires, ce qui met le plus mes nerfs à l’épreuve, ce sont les quelques rats que l’on aperçoit rôder ici et là dans les jardins d’une pension où le bas des portes des bungalows laisse entrevoir une très large bande de jour. Bref, on n’a qu’une envie prendre ses jambes à son cou. Avec ma colocataire, nous décidons de remplacer l’étape douche froide par une toilette sommaire aux lingettes. Les serviettes de toilette à la propreté douteuse serviront à colmater la porte de notre chambre. A la guerre comme à la guerre. Curieusement, de cet endroit cauchemardesque va naître une certaine complicité dans le groupe. On rigole d’effroi, on n’ose pas manger la nourriture de peur d’attraper la tourista du siècle et on partage nos derniers biscuits. Bref, les langues se délient, les yeux se dérident et commence à naitre parmi nous un esprit taquin de franche camaraderie qui nous poursuivra tout au long du voyage ! Et vive les hôtels pourris… Euh enfin à toute petite dose quand même. Heureusement, cet hôtel fera figure d’exception dans notre circuit.
J’ai survécu à la nuit de toutes mes phobies et mes compagnons de voyage se sont transformés en bande de joyeux drilles dès la fin du troisième jour. Je vous sens soulagés et vous laisse donc méditer en compagnie des Dieux avant de poursuivre ce trek haut en couleurs.
Mitchka a écrit
j’suis quand même un peu déçue que tu sois pas tombée dans la rizière… t’aurais pu inventer, ça aurait mis plus de piment dans l’histoire 😀
Lucie-Rose a écrit
Comme je ne suis que grâce et légèreté, c’est le genre de truc qu’il ne pouvait pas m’arriver 🙂
sourismaman a écrit
merci beaucoup pour ce chouette voyage, et oui j’ai voyagé le temps de ton billet et c’était drôlement chouette 🙂 ah l’hôtel miteux, une fois aussi , rien que d’y penser ,booouh , y’avait pas de rats ouf car là je n’aurai pas pu dormir!
Lucie-Rose a écrit
Je n’ai quasiment pas dormi cette nuit là… Les rats ne sont pas rentrés dans la chambre mais ils n’étaient pas bien loin…
Maman Clémentine a écrit
Je suis impressionnée quand même parce que pour quelqu’un qui se dit citadine et pas sportive, tu assures grave. Je ne sais honnêtement pas me lancer seule, comme ça, dans ce genre de voyage. En tout cas, c’est un vrai bonheur de découvrir le monde à travers tes yeux. Quel beau récit (comme d’habitude) et quels splendides clichés. Et puis je suis tellement contente que tu ne sois pas tombée sur une bande de Jean-Claude Dusse (ni dans la rizière, huhu). Vivement la suite.
PS 1 (qui n’a rien à voir) : Oui j’ai bien eu ton mail (hiiiiii) et oui je compte bien te répondre (^^)
PS 2 : Bien vu tes commentaires (auxquels je compte répondre également) mais par contre tu postes en plein milieu de la nuit. Allez zou, au lit ma petite dame !
Lucie-Rose a écrit
Merci 🙂 Comme d’habitude tes commentaires me font rougir de plaisir !
Camilleb a écrit
Wouah tu me fais rêver, je ne connais pas du tout ce coin du monde!!! Merci pour le partage
Lucie-Rose a écrit
C’est un pays tellement loin de nos civilisations… Oui, Bali me fait rêver, encore aujourd’hui !