Il était une fois la crèche #1
ou le crash de la crèche…
Vive la crèche ! Enfin ça c’est ce que dira Lutin un jour… Peut-être… C’est une question de temps paraît-il… En attendant ce jour béni où mon enfant ne me donnera plus le sentiment que la mère indigne que je suis abandonne honteusement son tout-petit dans un ignoble traquenard à lutins, nous vivons les heures sombres de l’adaptation en crèche. Nous voilà plongés dans une aventure improbable où ruses, compromis et chantages côtoient gros câlins et petits réconforts à un âge qui ne connait pas encore la raison.
Dire que je pensais, pauvre ingénue, que Lutin intégrerait joyeusement la basse-cour des moins d’un mètre. Mais si d’illusions en déconvenues, l’heure est aux galères, j’entrevois une faible lumière au bout du tunnel…
La crèche : Saint Graal ou somme de toutes les peurs ?
Dans un an, mon petit garçon entrera à la maternelle, une étape importante et qui peut se révéler angoissante pour un lutin qui n’a connu que la douceur d’une maman au garde à vous devant ses moindres désirs… Alors a germé cette idée – jugée complètement saugrenue par l’intéressé – de le socialiser en douceur. Le défi n’est pas insurmontable, juste une journée à la crèche par semaine, le temps pour mon bonhomme de faire ses premiers pas dans la vie sociale et collective, qu’il tisse d’autres liens et mène sa petite vie en mon absence tout en restant dans un cocon sécurisant… Et pour moi, un peu de répit pour préparer de nouveaux défis professionnels.
Je pensais que le plus dur serait d’obtenir une place en crèche. Que nenni ! Je m’y suis pourtant prise en dernière minute début septembre, super angoissée motivée par l’expérience et sous la pression encouragée par un Chéri Chéri ravi que son fils puisse étudier d’autres tissus que ceux de mes jupes. Mais à moins de 20 heures de crèche par semaine, pas de commission d’attribution des places, juste une possibilité d’inscription en fonction des disponibilités. J’ai donc pris mon loulou sous le bras et, priant pour que ses yeux charmeurs nous permettent d’obtenir une place subito, me voilà débarquant dans le bureau de la Directrice de la crèche…
Alléluia ! Alléluia ! Alléluia ! Mon vœux est exaucé : on me propose d’accueillir Lutin un ou deux jours par semaine et puis chaque fois qu’une envie pressante d’évasion se manifestera en fonction des places. Quel succès ! Je n’en demandais pas tant… C’est donc prise de panique très d’enthousiaste que j’ai accueilli la merveilleuse nouvelle : Lutin ira à la crèche. Cette place en crèche, je la convoitais mais la séparation n’en est pas moins difficile à vivre. Je me retrouvais ainsi déchirée entre la certitude que la crèche serait bénéfique pour mon enfant et la trouille de confier la chaire de ma chaire à des inconnus, fussent-ils professionnels de la petite enfance, sans compter la culpabilité de laisser mon petit bonhomme malheureux, lui qui n’avait rien demandé.
La laborieuse période d’adaptation en crèche
La période d’adaptation, c’est un peu de crèche tous les jours, en crescendo pendant deux semaines en moyenne, histoire de nous apprivoiser mutuellement… Mais comme, à plus de deux ans, Lutin est un « grand » et que j’ai la possibilité de m’adapter à son rythme, sa référente m’a proposé une acclimatation en douceur. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Lutin a choisi d’adopter le rythme de la tortue… J’ai d’ailleurs l’étrange impression de voir s’acclimater un ours polaire à la savane. En quinze jours, Lutin est passé d’une petite heure de crèche par jour à une heure et demie. Nous venons de terminer la troisième semaine avec trois heures de crèche non stop. Waouh, à ce rythme on arrivera peut-être à une journée entière d’ici le mois de juin. Du coup, avec ce rythme endiablé, je n’ai pas l’impression que mon fils ait remarqué qu’il passait de plus en plus de temps à la crèche…
Les premiers jours mon lutin larmoyant hurlait avec un rictus d’agonie désespéré. Il restait prostré à l’écart, regardait mais ne jouait pas, mon petit explorateur d’ordinaire si vif et curieux. Et puis cet adepte des causeries ne parlait plus, sauf évidemment pour reprendre l’expression favorite des dictateurs de sa génération : « Non ! » . Rajoutez à ça des adieux déchirants, je n’avais qu’une envie, le reprendre et le ramener illico presto à la maison. « C’est difficile et c’est normal mais on va y arriver ! » martèlent en cœur les puéricultrices encourageantes.
En professionnelle du marketing et de la communication, j’avais pourtant lancé une campagne promotionnelle intitulée « la crèche, c’est trop chouette ! ». J’avais vanté les mérites de ce lieu magique où l’on peut se faire de nouveaux copains, jouer avec un tas de jeux différents de ceux de la maison, écouter des histoires, apprendre de nouvelles chansons… La promesse était tellement attractive que Lutin était plutôt curieux de m’accompagner à la crèche le premier jour de son adaptation. Il n’avait juste pas digéré le minuscule détail qui faisait pourtant partie du lot : maman ne reste pas à la crèche. Face à la déception de mon jeune consommateur devant une réalité qui ne correspondait pas à ses attentes, j’avoue que cette vision trop idyllique a rapidement fait un flop auprès de l’intéressé…
Mais la troisième semaine d’adaptation s’est révélée prometteuse : Lutin pleure encore mais moins fort et moins souvent. Il accepte parfois timidement de poser Doudou pour jouer (vive le toboggan et les véhicules porteurs !) et je le surprends même à fredonner à la maison une chanson bizarre qui parle de grenouille qui nage sur une flaque d’eau. Serait-ce enfin le bout du tunnel ??? Certes, il faudrait régler certains « détails » avant de crier victoire : les « au revoir » restent affligeants, les nuits sont agitées et les réveils désormais difficiles. Lutin pleure les matins de crèche, refuse de sortir du lit prétextant le surmenage, mon glouton perd l’appétit au petit-déjeuner, trouve toutes les excuses pour nous mettre en retard, pleure, crie et répète à qui veut l’entendre « c’est dur la crèche, je veux ma maman ». Et puis mon gastronome décrète systématiquement une grève de la faim à la crèche, aucun plat ne trouvant grâce à ses yeux en dehors des menus de maman (sur ce point, je rends hommage à la délicatesse de ses papilles gustatives qui m’ont décerné trois étoiles). Sans compter que nous n’en sommes qu’à seulement trois heures de garderie depuis aujourd’hui et n’avons pas encore tenté le temps de sieste en crèche. Ceci dit, malgré le chantage d’un lutin malicieux qui ne cesse de répéter « qu’il a pleuré à la crèche », des progrès sont perceptibles et j’ose espérer une amélioration ! La suite nous dira si cet emballement était prématuré…
Les « effets secondaires » de la crèche
Tout comme un médicament, la crèche a ses effets secondaires dont certains sont plutôt surprenants. En voici quelques exemples…
L’effet « coup de cœur »
Evidemment, c’est mon préféré ! Bien qu’inattendu, on en redemande encore et encore et encore : ce sont les câlins, bisous et déclarations d’amour à volonté. Avant la crèche, Lutin n’en était pas avare, loin de là mais désormais, je croule sous ses bisous et petits mots doux… C’est tellement bon et sur ce point, pas d’overdose possible !
L’effet « toxique »
Mon enfant serait-il devenu misanthrope ? Jusqu’à présent nous le trouvions particulièrement sociable et bavard, y compris avec les étrangers. C’est d’ailleurs pas toujours agréable d’entendre Lutin raconter notre vie à la « vieux dame » qui lui fait risette dans la file d’attente du supermarché. Mais depuis que la crèche a fait irruption dans nos vies, chaque sortie programmée chez des amis ou même dans la famille est devenue sujet d’angoisse et de caprices. En véritable ermite, Lutin refuse les invitations et ne jure que par une soirée tranquille à la maison avec papa et maman. Heureusement qu’une fois sur place, et après l’avoir rassuré 2500 fois sur le fait que nous rentrerons ensemble à la maison, il retrouve sa joie de vivre. Reste à espérer que cet effet dont on se passerait bien se dissipe rapidement…
L’effet « cannabis »
J’aime beaucoup cet effet cocasse qui nous fait planer dans la quatrième dimension. Pour le déclencher, il suffit de demander à Lutin ce qu’il a fait à la crèche… Et là, on est pas déçu de ses réponses loufoques qu’il déclare avec sérieux. Des exemples ?
- « J’ai demandé à faire pipi et caca sur les toilettes mais on m’a pas emmené parce qu’on y va que le jeudi aux toilettes »
- à propos d’un conteur invité à la crèche : « Il y a un docteur qui est venu et qui nous a raconté l’histoire de la souris qui est tombée dans la tasse de thé du chaud café »
- « elle est gentille Maline-Lo. Elle s’appelle Marie-Laure mais comme je sais pas le dire, je dis Maline-Lo ».
L’effet « régression »
Il faut trouver un antidote à cet effet (passager parait-il) de toute urgence ! En vrac, sont concernés la sucette, les doudous et la propreté. Sur tous ces points clés de l’apprentissage, Lutin régresse pendant le temps de crèche. Ainsi, je retrouve mon enfant avec une sucette collée à la bouche alors qu’elle ne sort jamais du lit en temps normal. Idem pour le deuxième doudou que nous devons impérativement emmener à la crèche alors qu’il avait été nommé gardien en titre du lit de mon loulou. Quant à la propreté, nous repassons aux couches en crèche alors que nous travaillons le port du caleçon à la maison.
Des petits trucs glanés et testés pour faciliter la séparation
– Focus sur l’indispensable Doudou : j’ai conseillé à Lutin de le serrer très fort contre lui en pensant que je serai bientôt là s’il avait du chagrin.
– J’explique à Lutin qu’il a le droit d’être heureux et de s’amuser à la crèche même si je ne suis pas là. Je lui dis que je comprends que c’est difficile pour lui mais que je le sais capable de surmonter son chagrin et en profiter pour jouer parce que je viendrai toujours le chercher comme promis. Et puis j’en reviens à ma campagne promotionnelle version édulcorée vantant les avantages de la crèche.
– Je rends les « au revoir » moins pénibles en évitant de traîner trop longtemps avant de repartir mais en prenant quand même le temps d’embrasser Lutin sans lui faire sentir que je suis pressée.
– J’explique à Lutin combien de temps je le laisse, ce que je vais faire en son absence (j’essaie de trouver un truc rébarbatif du genre aller voir le docteur) et à quelle heure je reviens.
– Je ne suis jamais en retard pour venir chercher mon bébé, promesse de maman.
– De retour à la maison, j’essaie de consacrer davantage d’attention à Lutin en jouant plus longtemps avec lui afin de combler le sentiment de manque affectif
– Prochainement, nous allons adopter Gugusse le temps d’un week-end. Gugusse, c’est la mascotte des lutins, un drôle de nounours habillé en clown et qui est de toutes les activités : chansons, histoires, jeux… Et comme Gugusse est très sensible et affectueux, il a décidé de suivre les enfants dans leurs familles. Voilà une occasion de plus de dresser une autre passerelle entre la crèche et la maison. Merci Gugusse !
– Enfin, il y a la promesse des cadeaux : Lutin sait que le jour où il sera prêt à passer sa première vraie journée en crèche, il sera récompensé par un fabuleux cadeau qui l’attendra à son retour à la maison. En attendant, plus modestement, le jour où il acceptera de manger à la crèche, je lui offrirai l’œuf Kinder qu’il convoite dans le placard de la cuisine.
J’ai aussi pris du temps pour dialoguer avec le personnel de la crèche, pour me rassurer mais aussi pour faire part des préférences de Lutin, de ses habitudes ou encore de son degré d’autonomie. Conviée à une réunion de parents, je suis partie à la crèche sans Lutin resté à la maison avec Chéri Chéri. Il s’est étonné de me voir partir à la crèche toute seule et avec enthousiasme en plus. A mon retour, je lui ai dit que je m’étais amusée comme une dingue, que j’avais joué avec Gugusse, à la balançoire, lu des histoires, etc. La Directrice de la crèche a joué le jeu en racontant à Lutin que je m’amusais tellement que je n’avais pas vu le temps passer et qu’elle avait été obligée de me dire « il est temps de partir madame ». Mes talents d’actrice ont fasciné mon lutin qui, peut-être, perçoit mieux la crèche depuis.
Malgré tout, vous l’aurez compris, la partie n’est pas encore gagnée… Alors si de votre côté vous avez une recette miraculeuse, un mot magique, un truc extraordinaire ou tout bête qui a marché sur vos lutins, par pitié confiez-le moi avant que les artifices employés par mon petit rebelle pour s’extirper de la maison des nains n’aient raison du peu de volonté qu’il me reste !
Mumissime a écrit
J’ai bien rigolé au fait qu’il ne pouvait malheureusement aller faire pipi et caca QUE le jeudi… ballot ^^ 😉 c’est strict cette crèche 😉
Sinon peut être essayer de le focaliser sur une copine ou copain avec qui il s’entend bien pdt le temps où il y est, et quand tu le déposes, le diriger vers ce minus là ! « oh regarde il joue à ça », « oh regarde il t’attend » etc… sait on jamais ?
Ici aussi on d’adapte mais c’est chez la nounou, et j’ai le même sentiment que toi en le déposant : je suis la pire mère indigne au monde tellement il m’arrache le coeur avec ses pleurs (qui cessent une fois la porte fermée… – j’attend derrière pour confirmation quand même !)
Bon courage 🙂
Maman raconte a écrit
Ah merci je note l’idée et l’applique dès demain 😉 Courage avec la nounou !
Virginie C. a écrit
Qu’en est il un mois après maintenant ??
Moi j’ai mon grand (à l’école chez les moyens maintenant) qui a mis plus d’un mois et demi à supporter la crèche. A tel point, qu’on commençait à sérieusement réfléchir à envoyer le petit à la crèche et le grand chez la nounou… C’est passé tout seul. Et le petit (qui a 2 ans maintenant), lui me fait toujours des séparations difficiles (cela fait plus d’un an qu’il y est quand même…). C’est sûr qu’il se trouve mieux à la maison avec Maman, mais par contre le soir, je suis obligée de faire la fermeture pour attendre que ses copains s’en aille et qu’il ait fini de jouer ! Donc bon, séparation difficile, mais dans le fond c’est cool les copains !
Maman raconte a écrit
Un mois après, ça va beaucoup mieux, comme quoi il faut persévérer ! Je pense qu’il a pris ses marques à la crèche et qu’il s’est adapté à des règles différentes de celles de la maison. Les séparations du matin restent toujours très difficiles mais les puéricultrices me disent qu’il s’arrête de pleurer après mon départ. Il faut dire que nous arrivons juste au moment où démarre le temps « chansons », ce qui facilite l’intégration. Les matins se passent généralement bien, avec des activités qui s’enchaînent. Au départ, il restait en retrait à observer et maintenant, il « ose » participer de plus en plus. Il refusait en revanche de s’alimenter jusqu’à ce que je suggère à la crèche de l’accompagner lors d’un déjeuner. Depuis il mange, certes moins qu’à la maison mais il goûte les petits plats (qui je dois bien l’avouer sont délicieux). L’adaptation l’après-midi a été plus rapide : il a choisi son lit et quand il a compris qu’il s’agissait d’un temps de repos mais qu’on ne « l’obligeait » pas à dormir, il s’est mis à faire de bonnes siestes. Le plus dur reste la fin de l’après-midi après le dodo. Si un copain a la mauvaise idée de le pousser, il se met vite à pleurer et réclame maman, n’acceptant aucune consolation. Bon c’est pas très grave parce que je vais le chercher près le goûter et dans l’ensemble, je vois bien qu’il s’est bien amusé… C’est aussi plus difficile pour les enfants qui viennent comme lui en occasionnel que pour ceux qui sont là tous les jours et forment un noyau dur de copain.